Homélie du mercredi 6 janvier 2021 (Jn 4, 11-18)
Lecture de la première lettre de saint Jean
Bien-aimés,
puisque Dieu nous a tellement aimés,
nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l’a jamais vu.
Mais si nous nous aimons les uns les autres,
Dieu demeure en nous,
et, en nous, son amour atteint la perfection.
Voici comment nous reconnaissons
que nous demeurons en lui
et lui en nous :
il nous a donné part à son Esprit.
Quant à nous, nous avons vu et nous attestons
que le Père a envoyé son Fils
comme Sauveur du monde.
Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu,
Dieu demeure en lui,
et lui en Dieu.
Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous,
et nous y avons cru.
Dieu est amour :
qui demeure dans l’amour demeure en Dieu,
et Dieu demeure en lui.
Voici comment l’amour atteint, chez nous, sa perfection :
avoir de l’assurance au jour du jugement ;
comme Jésus, en effet, nous ne manquons pas
d’assurance en ce monde.
Il n’y a pas de crainte dans l’amour,
l’amour parfait bannit la crainte ;
car la crainte implique un châtiment,
et celui qui reste dans la crainte
n’a pas atteint la perfection de l’amour.
– Parole du Seigneur.
Homélie
Vous avez sans doute constaté comme moi qu’il y a comme deux groupes chez les chrétiens : ceux qui ont peur du jugement dernier et ceux que cela n’empêche pas de dormir.
Les premiers ont pour eux la conscience de leur péché, le besoin de se convertir, la prière qui demande la grâce et la peur de ne pas être jugé digne d’entrer en paradis.
Les seconds ont pour eux la foi en la miséricorde divine, le désir de témoigner, la prière qui rend grâce et la tranquillité de celui qui se croit déjà sauvé.
Chacun de ces deux groupes se réfère à l’évangile : le premier groupe mentionne avec crainte l’évangile où le Christ sépare les brebis des boucs, ou celui de la porte étroite…
Le second groupe nous renvoie plutôt aux multiples pardons donnés par Jésus, jusqu’à son cri sur la croix : “Père, pardonne-leur.” Ou au bon larron : “Aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis”.
Alors qui croire ? Les craintifs ou les naïfs ?
Ce qui est réconfortant, c’est que cette tension existait déjà au temps des apôtres. Jean disait : “Nous avons tué le Fils unique de Dieu. Nous ne pourrons pas hériter de la vie éternelle sans reconnaître notre mal, nous convertir et faire pénitence”. Et Paul disait : “C’est le Christ qui a pris l’initiative de sacrifier sa vie sur la croix. Il l’a fait librement, pour qu’à le voir nous comprenions que sa miséricorde n’a pas de limites et pour que nous entendions de sa bouche l’absolution de tous nos péchés”.
Ces deux enseignements font partie du dépôt révélé de la foi. Ainsi, il y a quelque chose de beau et de légitime dans ces deux manières d’appréhender le jugement dernier. Le tout, c’est de ne pas tomber dans les excès.
Les naïfs sont tentés de dire, comme Polnareff, “On ira tous au paradis”. Rien n’est moins sûr. Ce n’est pas parce que Dieu a le projet de sauver toutes les créatures que tous, nous accueillerons le salut. Croire que personne ne peut se perdre, cela s’appelle “l’apocatastase” et c’est une hérésie. L’existence malheureuse des démons nous le rappelle.
A l’inverse, les craintifs sont tentés de se laisser gangréner par la culpabilité. Ils risquent de ne plus pouvoir supporter ce Dieu qui leur fait peur. Ils risquent de ne plus parvenir à s’apprécier eux-mêmes. Ils risquent de ne plus comprendre en quoi le baptême les sauve. Ne pas avoir confiance en la promesse que Dieu nous a faite, ce n’est pas une hérésie cataloguée, mais c’est la foi mise en échec.
Pour ma part, je crois qu’il est bon d’avoir éprouvé de la crainte devant la laideur de son propre péché. Mais cela, c’est un point de départ. Pas un point d’arrivée. Plus nous grandissons dans l’amour de Dieu, plus nous sommes assurés de notre salut. Car Dieu, en vérité, est plus grand que notre faute. C’est en tout cas ce que nous dit la première lecture de ce mercredi : “Voici comment l’amour atteint, chez nous, sa perfection : avoir de l’assurance au jour du jugement.”
Amen.
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