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Partout où l'on meurt

Homélie du mercredi 29 mars 2023 (Dn 3, 14-95)




Lecture du livre du prophète Daniel


En ces jours-là,

le roi Nabuchodonosor parla ainsi :

« Est-il vrai, Sidrac, Misac et Abdénago,

que vous refusez de servir mes dieux

et d’adorer la statue d’or que j’ai fait ériger ?

Êtes-vous prêts, maintenant, à vous prosterner

pour adorer la statue que j’ai faite,

quand vous entendrez le son du cor, de la flûte, de la cithare,

de la harpe, de la lyre, de la cornemuse

et de toutes les sortes d’instruments ?

Si vous n’adorez pas cette statue,

vous serez immédiatement jetés dans la fournaise de feu ardent ;

et quel est le dieu qui vous délivrera de ma main ? »

Sidrac, Misac et Abdénago dirent au roi Nabuchodonosor:

« Ce n’est pas à nous de te répondre.

Si notre Dieu, que nous servons, peut nous délivrer,

il nous délivrera de la fournaise de feu ardent et de ta main, ô roi.

Et même s’il ne le fait pas,

sois-en bien sûr, ô roi :

nous ne servirons pas tes dieux,

nous n’adorerons pas la statue d’or que tu as érigée. »

Alors Nabuchodonosor fut rempli de fureur

contre Sidrac, Misac et Abdénago,

et son visage s’altéra.

Il ordonna de chauffer la fournaise

sept fois plus qu’à l’ordinaire.

Puis il ordonna aux plus vigoureux de ses soldats

de ligoter Sidrac, Misac et Abdénago

et de les jeter dans la fournaise de feu ardent.


Le roi Nabuchodonosor les entendit chanter.

Stupéfait, il se leva précipitamment

et dit à ses conseillers :

« Nous avons bien jeté trois hommes, ligotés,

au milieu du feu ? »

Ils répondirent :

« Assurément, ô roi. »

Il reprit :

« Eh bien moi, je vois quatre hommes

qui se promènent librement au milieu du feu,

ils sont parfaitement indemnes,

et le quatrième ressemble à un être divin. »

Et Nabuchodonosor s’écria :

« Béni soit le Dieu de Sidrac, Misac et Abdénago,

qui a envoyé son ange et délivré ses serviteurs !

Ils ont mis leur confiance en lui,

et ils ont désobéi à l’ordre du roi ;

ils ont livré leur corps

plutôt que de servir et d’adorer

un autre dieu que leur Dieu. »


– Parole du Seigneur.



Homélie


Le récit que nous avons entendu en première lecture est bouleversant. Il s’agit du martyre de trois jeunes qui portaient le nom de Sidrac, Misac et Abdénago. Nous sommes au temps du règne de Nabuchodonosor : ce tyran qui mit Jérusalem à feu et à sang en 586 avant Jésus-Christ, ce monstre qui déporta les juifs qu’il avait omis de tuer. Dans nos bibles, nous gardons précieusement, comme une relique, la plainte des survivants de ce massacre : c’est le psaume 136.


« Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion. [...] C'est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux : “Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion.” »


Des millénaires ont passé, et nous gardons la mémoire du comportement exemplaire de ces trois jeunes qui ont préféré la mort plutôt que de renier le Seigneur. Ce témoignage héroïque s’est d’abord transmis par oral, de générations en générations. Et puis, au deuxième siècle avant Jésus-Christ, il fut couché sur un parchemin par le prophète Daniel, afin d’encourager les croyants de l’époque, car eux aussi étaient persécutés.


Comme à chaque page de l’Ancien Testament, un signe nous est donné de la présence du Christ : « Nous avons bien jeté trois hommes, ligotés, au milieu du feu ? Eh bien moi, je vois quatre hommes et le quatrième ressemble à un être divin. » L’homme aux traits divins, c’est le Christ, bien sûr. Et comme à son habitude, notre Seigneur se révèle à nous au cœur de la tourmente : ici dans les flammes, demain sur la croix.


C’est fou comme la même histoire se répète sans cesse. Hier encore, je relisais l’histoire de trois condamnés. C’est un enfant juif, survivant de la Shoah, qui raconte la scène :

« Les trois cous furent introduits en même temps dans les nœuds coulants. “Vive la liberté” crièrent les deux adultes. Le petit, lui, se taisait. Les deux adultes ne vivaient plus. Mais la troisième corde n’était pas immobile… Si léger, l’enfant vivait encore.

“Où est le Bon Dieu, où est-il ?” demanda quelqu’un derrière moi. Et je sentais en moi une voix qui répondait : “Où est-il ? Le voici. Il est pendu ici, à cette potence…” »

Dans la bouche de ce jeune de quinze ans qui pensait jusque-là devenir rabbin, cet événement marque la fin de sa vie croyante. Il écrira plus tard : « Jamais je n’oublierai ces instants qui assassinèrent mon Dieu et mon âme, et mes rêves qui prirent le visage du désert. »


Qui, parmi nous, peut dire avec certitude qu’il gardera la foi, une fois placé devant les flammes ou la potence ? Ce qui est sûr, c’est que la foi chrétienne tient dans l’affirmation de la présence du Christ partout, toujours, et plus particulièrement encore là où l’on meurt. C’est, je crois, cette foi qui permit jadis à Sidrac, Misac et Abdénago de rester fidèle au Dieu de leurs Pères et de trouver consolation dans l’épreuve.


Et nous, quand nous serons dans le dur, resterons-nous chrétiens ?

Saurons-nous reconnaître, dans notre nuit, la présence du Christ ressuscité ?

La foi est une grâce que Dieu ne donne qu’à celui qui la demande. Que Dieu nous donne la force, en toutes circonstances, de reprendre ce cantique d’action de grâce, le cantique des trois enfants :


« Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères

Béni soit le nom très saint de ta gloire

Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire

Béni sois-tu sur le trône de ton règne

Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes

À toi, louange et gloire éternellement ! »


Amen.



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