Il est là
- Soline de Geloes
- 23 avr. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 mai 2023
Homélie du dimanche 23 avril 2023 (Lc 24, 13-35)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine),
deux disciples faisaient route
vers un village appelé Emmaüs,
à deux heures de marche de Jérusalem,
et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.
Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient,
Jésus lui-même s’approcha,
et il marchait avec eux.
Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Jésus leur dit :
« De quoi discutez-vous en marchant ? »
Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.
L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit :
« Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem
qui ignore les événements de ces jours-ci. »
Il leur dit :
« Quels événements ? »
Ils lui répondirent :
« Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth,
cet homme qui était un prophète
puissant par ses actes et ses paroles
devant Dieu et devant tout le peuple :
comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré,
ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.
Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël.
Mais avec tout cela,
voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
À vrai dire, des femmes de notre groupe
nous ont remplis de stupeur.
Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,
elles n’ont pas trouvé son corps ;
elles sont venues nous dire
qu’elles avaient même eu une vision :
des anges, qui disaient qu’il est vivant.
Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau,
et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ;
mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
Il leur dit alors :
« Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire
tout ce que les prophètes ont dit !
Ne fallait-il pas que le Christ
souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes,
il leur interpréta, dans toute l’Écriture,
ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient,
Jésus fit semblant d’aller plus loin.
Mais ils s’efforcèrent de le retenir :
« Reste avec nous,
car le soir approche et déjà le jour baisse. »
Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux,
ayant pris le pain,
il prononça la bénédiction
et, l’ayant rompu,
il le leur donna.
Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent,
mais il disparut à leurs regards.
Ils se dirent l’un à l’autre :
« Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous,
tandis qu’il nous parlait sur la route
et nous ouvrait les Écritures ? »
À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem.
Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons,
qui leur dirent :
« Le Seigneur est réellement ressuscité :
il est apparu à Simon-Pierre. »
À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route,
et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux
à la fraction du pain.
– Acclamons la Parole de Dieu.
Homélie
Les disciples d’Emmaüs marchent pendant deux longues heures, sans reconnaître leur compagnon de route. Jésus était là, à leurs côtés et ils ne le reconnaissaient pas. Il leur parlait et ils ne le comprenaient pas. Plus encore : c’est à lui qu’ils se plaignaient d’un certain Jésus à qui ils s’étaient attachés et qu’ils disaient avoir perdu. C’est devant lui qu’ils égrenaient toutes leurs raisons d’être tristes : “nous l’aimions, nous avions confiance en lui, nous pensions qu’il resterait toujours avec nous”.
Les deux disciples sont tristes de l’absence de Jésus, alors qu’il se tient là, tout près d’eux, à portée de main. A cet instant, Jésus ne pouvait pas être plus proche. Il était leur compagnon de route, ils ne le savaient pas.
Si cette histoire nous est contée, c’est parce que c’est la nôtre aussi. Pendant un certain temps du moins, non pas définitivement. Pour un bout du chemin, pas jusqu’à la fin. Ce bout de chemin où Jésus nous semble absent peut être plus ou moins long. Il peut parfois sembler durer longtemps et mettre notre foi à l’épreuve. Notre amour pour le Christ peut en prendre un coup. Nous aimerions que sa présence soit plus immédiatement tangible, que sa tendresse et son soutien se ressentent davantage.
Mais un jour, Jésus se fera reconnaître. Toujours, Jésus finit par se faire reconnaître, là où nous n’aurions pas osé y croire, là où nous étions parfois proches du désespoir mais où il était déjà présent, invisiblement présent, comme pour les deux disciples d’Emmaüs.
C’est là, la bonne nouvelle de l’Évangile de ce jour. Quand Dieu nous semble absent, ce n’est que pour un temps. Il vient, le moment où nous allons reconnaître sa présence. Mais le plus beau, c’est que nous pouvons apprendre dès maintenant à l’aimer sans le voir, à le savoir ici, avec nous, sans plus nous inquiéter de notre ressenti. Puisque Jésus se tient au milieu de nous, au moment où je vous parle, cela signifie que nous n’avons plus besoin de chercher à l’atteindre. Nous ne devons pas le chercher, nous ne devons pas le rattraper : il est là. Sa présence nous a été donnée au préalable.
Et cette présence, même si elle peut être cachée pour un peu de temps encore, elle ne perd rien de sa force et de sa beauté. C’est elle, la présence de Jésus vivant, qui donne à notre quotidien sa densité, sa fécondité. C’est là notre secret, le secret dont tous les chrétiens du monde sont les dépositaires et qui donne à leur vie ce relief et cette joie incomparables. Il est là.
Peu à peu, Jésus prendra forme pour nous. Il se révélera d’abord et avant tout par le truchement des Écritures. Voyez comment un même texte, relu, médité et ressassé pendant des années, libère soudainement sa lumière. Pour nous aussi, le Christ commente chaque jour les Écritures et leur donne soudainement, un beau jour, de résonner dans notre cœur. Nous les connaissons, ces moments où une parole de l’Évangile explose et prend feu, devient la clé de tout. Parce que chaque Parole porte en elle-même le Christ et toute sa puissance de vie.
Peu à peu, Jésus prendra forme pour nous. Non seulement dans l'Écriture mais dans le pèlerin et le pauvre accueillis le long de nos routes. Un jour, nous dirons à un mystérieux compagnon : “Reste ! Car le soir approche et déjà le jour baisse”. Tous les étrangers que nous croisons ont été ainsi façonnés dans le secret à l’image et à la ressemblance de Dieu. Tous sont susceptibles de nous transmettre l’éclat de Jésus ressuscité. C’est ainsi que Jésus, aujourd’hui, nous manifeste sa présence.
Peu à peu, Jésus prendra forme pour nous dans la fraction du pain. Ce simple geste répété à l’envi tous les dimanches à l’autel peut, soudainement, bouleverser nos cœurs et nos corps. Ce geste si familier, quel que soit le prêtre qui le pose en souvenir de Jésus, c’est Jésus en personne qui le répète au cœur de son Église.
Lire et écouter la Parole, accueillir le frère, rompre le pain, tout cela nous conduit nécessairement à la chaleur de l’amour, au contact de ce Jésus qui est là et qui nous aime.
Amen.
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