Zachée, le saint des recommencements
Homélie du dimanche 3 novembre 2019 (Lc 19, 1-10)

● Pour bien comprendre cet évangile, il faut - je crois - nous intéresser au contexte géographique de la rencontre entre Zachée et Jésus.
La scène se déroule à Jéricho. D’après les archéologues, Jéricho est la deuxième ville la plus ancienne de l’humanité. Et dans l’Ancien Testament, elle est la porte d’entrée en Terre promise. Comme il s’agit d’une cité fortifiée, les hébreux avaient dû l’attaquer avec l’aide du Seigneur, comme c’est raconté dans le livre de Josué (Jos 6, 1-21).
Pour Zachée aussi, Jéricho est la porte d’entrée de la terre promise. Zachée espère changer de vie, inaugurer une vie nouvelle, avec Dieu et avec le peuple des croyants, et laisser derrière lui son ancienne vie de servitude et de péché. Tout comme les hébreux mille quatre cent ans plus tôt.
Par ailleurs, la scène se déroule sur un sycomore. Le sycomore est un figuier sauvage, un arbre venu d’Egypte, la terre d’oppression par excellence. Le fruit du sycomore est abondant mais il est fade, il ne sert qu’à nourrir les bêtes, pas les hommes. Le seul intérêt du sycomore, c’est qu’il peut offrir à Zachée un lieu pour se cacher.
… Comme dans le livre de la Genèse, où Adam et Eve se cachent parce qu’ils ne se sentent pas dignes de se montrer en présence du Seigneur. Leurs pagnes sont faits de branches de figuier, comme dans l’évangile de ce jour.
Oui, Zachée est cet homme pécheur, indigne, à la vie fade. Il se cache des regards mais il s’approche de Jésus comme on s’approche de la terre promise, dans l’espérance d’une vie meilleure.
● Notre misère à nous, trop souvent, c’est d’avoir dit adieu aux recommencements, de ne plus croire à des changements de fond, et de traîner notre vie à mi-pente en nous résignant à des compromis. Zachée, c’est le saint du ciel que nous pouvons prier quand nous avons des recommencements à vivre. Saint Grégoire de Nysse disait que la vie spirituelle consiste à aller "de commencements en commencements nouveaux”. Quand la machine est en panne, prions Zachée.
● Une autre prière que nous pouvons adresser à Zachée, c’est de nous aider à reconnaître nos limites et à construire à partir d’elles. Avec sa petite taille, perdu dans la foule, Zachée aurait pu se tenir pour battu. Mais non, il transforme son handicap en opportunité.
“Ce que j'ai considéré jusqu'ici comme obstacle, dit Zachée, sera dès maintenant un moyen. Jusqu'ici les tentations, les distractions, les difficultés intérieures et extérieures m’ont arrêté et découragé. Et bien, dès maintenant, tout cela me servira de tremplin pour m'élever vers Dieu. Je verrai en chaque épreuve une invitation pressante à m'unir davantage à mon Dieu par un acte de foi, de confiance, d'amour et d'abandon. Ces choses qui étaient pénibles jusque-là seront désormais des grâces. Car elles me forceront à sortir de moi-même pour ne plus vivre qu'en Dieu”.
En vérité, ces mots ne sont pas de Zachée, ce sont les paroles d’un moine chartreux. Un moine que l’on devine décidé à accueillir toutes les épreuves de la vie comme une chance, celle de nous tourner vers Dieu avec plus de résolution, de confiance et d’abandon.
Que Dieu nous aide à y parvenir, par l’intercession de Zachée.
Amen.
NB : Le moine cité est Jean-Baptiste Porion (lire Amour et Silence, Un chartreux, aux éditions du Seuil).