Homélie du dimanche 12 février 2023 (Mt 5, 20-37)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Je vous le dis :
Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens,
vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux.
Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens :
Tu ne commettras pas de meurtre,
et si quelqu’un commet un meurtre,
il devra passer en jugement.
Eh bien ! moi, je vous dis :
Tout homme qui se met en colère contre son frère
devra passer en jugement.
Vous avez appris qu’il a été dit :
Tu ne commettras pas d’adultère.
Eh bien ! moi, je vous dis :
Tout homme qui regarde une femme avec convoitise
a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur.
Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens :
Tu ne manqueras pas à tes serments,
mais tu t’acquitteras de tes serments envers le Seigneur.
Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas jurer du tout.
Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’,
‘non’, si c’est ‘non’.
Ce qui est en plus
vient du Mauvais. »
– Acclamons la Parole de Dieu.
Homélie
Pour éduquer leurs enfants, les parents commencent par poser les règles de vie les plus élémentaires. Et quand cela devient possible, ils enseignent les commandements les plus subtils.
D’abord, on apprend à bien se tenir à table, ensuite à tenir la conversation des adultes. D’abord, on apprend à ne pas frapper son petit frère, ensuite à veiller sur lui, quand les parents s’absentent de la maison.
Toute pédagogie, pour être efficace, se doit d’être progressive. Cela, Dieu l’a compris. Les commandements du Seigneur peuvent sembler rustres au début de l’histoire du peuple élu : “Si on t’arrache un œil, tu te contenteras de lui arracher un œil mais tu n’iras pas plus loin : tu ne lui prendras pas sa vie”.
Heureusement, plus le temps avance ; plus les commandements de Dieu deviennent fins et délicats : “Tu ne feras pas à ton prochain ce que tu n’as pas envie que les autres te fassent”.
C’est en raison de cette progressivité de la pédagogie divine que nous sommes invités à nous intéresser au Premier Testament. Souvent, nous pensons bien faire en passant directement à l’Évangile et en dénigrant la lente progression humaine et spirituelle du peuple hébreu. Mais c’est bien dommage. Car chacun, nous traversons les mêmes étapes de croissance que le peuple hébreu. Nous avons été rustres, nous aussi. Nous avons connu notre traversée du désert, notre veau d’or, notre désir de vengeance, notre cupidité… Méditer les histoires passées du peuple d’Israël nous aide à suivre notre propre chemin de sanctification, car c’est le même.
Toute pédagogie est progressive. Même celle de Satan ! Au début, nous sommes tentés par lui de façon grossière. Quand nous étions encore des enfants, il nous arrivait de manger tout le gâteau sans en laisser pour les autres membres de la famille. Une fois devenus grands, jamais nous ne ferions cela : nous aurions trop honte ! Alors, le tentateur trouve des ruses plus subtiles pour nous conduire au mal. Comme le dit Jésus lui-même, il nous faut être rusés comme des serpents si nous voulons rester purs comme des colombes (Mt 10, 22).
Dans l’évangile de ce jour, Jésus veut donc nous rendre un peu moins rustres. Là où l'ancienne loi parlait de meurtre, Jésus parle simplement de colère. Là où les Anciens ne retenaient que l'interdiction de tuer, Jésus atteint d'un coup la racine du mal ; il nous dit, en quelque sorte : "tu maîtriseras ton agressivité".
Tuer quelqu'un, cela ne nous arrive pas, sinon peut-être dans des cauchemars. Mais à côté du meurtre proprement dit, il y a bien des manières d'empêcher l'autre de vivre, de se mettre en travers de son bonheur ou de sa liberté, bien des manières de l'ignorer ou de le rayer de notre petit cercle.
L'agressivité, Jésus le sait, est tapie quelque part à l'intime de nous-mêmes. Et Jésus vise surtout les moments où cette agressivité comprimée en nous explose en colère, en mépris, en paroles d'intolérance et de rejet.
S'agissant de l'agressivité, des sentiments agressifs, il ne faut ni nous culpabiliser, ni nous innocenter trop vite. Il y a un discernement à faire, un discernement entre ce qui relève de notre misère et ce qui relève du péché. Il faut dissocier les deux, je crois.
Notre misère, c'est tout ce paquet insaisissable de sentiments négatifs qui nous habitent malgré nous, qui se réveillent malgré nos efforts : c'est l'agressivité qui nous agresse nous-mêmes et dont nous ne sommes pas moralement responsables.
Le péché, lui, se situe à un tout autre niveau. Le péché, c'est de s'enfermer volontairement dans un sentiment agressif. De le laisser croître jusqu’à ce qu’il fasse en nous sa loi. Le péché, c'est de classer une fois pour toutes un homme ou une femme, de désespérer d'un enfant, de verrouiller son cœur quand l'autre cherche la paix.
C'est là qu'une démarche de réconciliation devient urgente. Et Jésus nous en donne la force, spécialement dans cette Eucharistie qui est le sacrement de l'unité, de l'amour retrouvé. Nous voici devant l'autel, avec l'offrande de notre vie. Déposons notre misère et notre péché, afin de goûter à la joie que Dieu veut pour chacun de ses enfants.
Amen.
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