Homélie du dimanche 22 septembre 2019 à Saint-Lambert.
De l’église Saint-Lambert aux Vaux de Cernay, notre marche ne peut que célébrer la vie.
Ici, à Saint-Lambert, on honore depuis le XIVème siècle Notre-Dame de Vie, la Vierge allaitant son divin fils. Encore aujourd’hui, on y vient en pèlerinage pour obtenir la grâce d’une naissance ou pour intercéder en faveur de la vie, à commencer par celle des plus fragiles et des plus menacés.
A Cernay-la-Ville, nous serons sur les terres de Saint-Thibaud de Marly, fils du Seigneur de Magny et de Mathilde de Châteaufort, petit-fils de celle qui fonda le monastère de Port-Royal. Autant dire que nous serions presque en droit d’annexer la paroisse de Chevreuse, si mon confrère Jean-Brice ne s’y opposait pas comme il persiste à le faire...
Nous sommes au XIIIème siècle, quand Thibaud devient moine puis père abbé de l’abbaye des Vaux de Cernay. C’est à lui que le futur roi Saint-Louis est venu implorer la grâce de pouvoir donner naissance à des enfants en dépit de la stérilité de sa femme Marguerite de Provence. La prière de l’abbé a été entendue puisque onze enfants naquirent de leur union.
Le père Jean-Brice me confirmait récemment que de tels miracles continuent de se produire sur le chemin qui mène de Notre-Dame de Vie aux reliques de Saint-Thibaud. Pour autant, tout le monde ici ne souhaite pas nécessairement donner naissance à des enfants (moi le premier). Aussi, nous avons voulu ce pèlerinage comme une hymne à la vie, une action de grâce pour la vie qui nous a été donnée par le Seigneur.
Chose qui n’est pas si simple, tant nos vies sont marquées par l’épreuve. Nul ne peut échapper aux épreuves de la vie. Elles nous tombent dessus à l’improviste, jamais où on les attendait. Elles nous surprennent et nous laissent souvent désemparés.
Quand nous sommes confrontés à l’épreuve, il n’y a pas de fuite possible. Or chacun de nous associe spontanément le bonheur à l’évasion, à la fuite ou au rêve. Comme s’il s’agissait d’échapper sans cesse à l’âpreté de la réalité. Si nous fuyons les épreuves quand elles se présentent, nous entretenons en nous l’illusion d’une vie facile, d’un bonheur facile et mièvre, sans abîme ni épreuve. Mais la réalité finit toujours par nous rattraper, au risque de devenir cyniques.
Devenir grand dans la vie et dans la foi, c’est apprendre patiemment à aimer la vie telle qu’elle est et non telle que je voudrais qu’elle soit. C’est apprendre à être heureux à partir de la vie telle qu’elle s’impose à moi et non malgré elle ou contre elle. Partir de ce qui est. Partir du donné, si contrariant soit-il.
C’est comme cela que je comprends la prière de Mère Teresa : “La vie se fait combat ? Accepte-le. La vie devient un défi ? Relève-le. La vie se mue en aventure ? Ose-là.” Faire de chaque imprévu, de chaque épreuve, non un point d’arrêt mais un point de départ. Un peu comme Jésus, pour qui la mort sur la croix n’est pas un terminus mais le commencement d’une vie nouvelle.
Vous connaissez peut-être cette anecdote sur la vie de Mère Teresa, quand elle a tendu la main au boulanger afin de mendier du pain pour son orphelinat. L’homme s’est contenté de cracher dans sa main. La sainte a répondu : “Cela, je le garde pour moi. Mais donnez-moi un peu de pain pour mes enfants”. Le boulanger est devenu le premier fournisseur de l’orphelinat.
Partir de l’épreuve et construire à partir d’elle et non sans elle, c’est - je crois - aimer la vie et la servir. Demandons au Seigneur, pour nous mêmes et pour nos frères, la grâce d’aimer nos vies comme elles sont, pour qu’elles deviennent plus belles encore.
Amen.
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