A Dieu, Maëlle
Homélie donnée aux obsèques de Maëlle Dervyn

Évangile de Jésus-Christ selon Saint Luc
En ce temps là, comme Jésus enseignait dans le Temple, levant les yeux, il vit les gens riches qui mettaient leurs offrandes dans le Trésor. Il vit aussi une veuve misérable y mettre deux petites pièces de monnaie. Alors il déclara :
“En vérité, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. Car tous ceux-là, pour faire leur offrande, ont pris sur leur superflu mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre.”
- Acclamons la Parole de Dieu
Homélie
Quand Maëlle était toute petite, elle avait d’énormes problèmes de vision. Ça l’handicapait beaucoup. Elle ne pouvait pas marcher toute seule comme les autres enfants, elle ne pouvait pas faire du vélo. C’était très dur pour elle. Et puis, elle a été accompagnée et soignée avec beaucoup de compétence et d’amour par un ophtalmo et une orthoptiste. Et Maëlle a pu vivre, enfin, comme tous les autres enfants de son quartier. Alors, Maëlle a dit à ses parents : “Je veux pouvoir aider les autres comme j’ai été aidée”. Bien plus tard, c’est ce qui a motivé son entrée en médecine. Elle voulait que d’autres puissent dépasser leurs handicaps et connaître la joie de vivre.
Elle se donnait à fond pour cela. Un jour, à l’hôpital, on lui a demandé d’apporter des soins de longue durée à une personne sourde. Maëlle se sentait très démunie, elle n’arrivait pas à communiquer. Le mois d’après, elle s’inscrivait à un cours de langage des signes. Elle a suivi ces cours pendant trois ans. Elle aurait voulu continuer mais elle avait atteint le niveau maximum proposé par l’école. Pour elle, cet apprentissage du langage des signes faisait partie intégrante de sa médecine. Elle nous disait : “Je dois apprendre tout ce qui m’aide à bien faire mon métier”. Et à ce jeu là, elle ne comptait pas ses heures.
Comme la pauvre veuve de l’Évangile, elle consacrait tout son temps aux autres. Beaucoup ne s’en rendaient pas compte, parce qu’elle avait un tempérament casanier et qu’elle pouvait être très secrète. Mais à la maison, quand elle revenait de sa médecine, elle se consacrait encore aux autres, de mille et une manières.
Cela passait beaucoup par son art. Pour les autres, elle aimait coudre, sculpter, dessiner. A la maison, Rozeen, Etienne et Brieuc n’ont pratiquement plus aucune de ses œuvres, parce qu’elle ne gardait rien pour elle. Elle ne gardait que de quoi se vêtir. On a bien retrouvé un dessin de Maëlle ces derniers jours. Un dessin. L’un de ceux qu’elle jetait à la poubelle en disant qu’il n’était pas assez réussi. Il fallait toujours que ces cadeaux soient parfaits ! Les cadeaux de Maëlle, il fallait qu’ils soient sans défauts, durables et personnalisés. “On ne donne pas un cadeau à moitié réussi à ceux qu’on aime”, disait-elle. Alors, elle y passait des heures et des heures, dans le secret.
Nous avons encore le souvenir des sablés qu’elle cuisinait pour nous tous ; elle en donnait à tour de bras. Et bien sachez que pour un sablé qu’elle vous offrait, Brieuc en mangeait trois ! Parce que trois fois sur quatre, elle les estimait ratés alors ils restaient dans les placards de la cuisine. Y’en a encore plein chez les Dervyn. C’est à se demander comment t’as fait pour rester aussi fin, Brieuc !